Edouard Michael
Appréciations et commentaires sur la Messe d’Edouard Michael
L’auteur était âgé de trente-trois ans lorsqu’il entreprit l’écriture de cette oeuvre qui lui demanda neuf mois de travail. Malgré sa jeunesse, il y montre, comme dans toutes ses autres oeuvres, une maîtrise de l’orchestration tout à fait remarquable.
Elle a été exécutée une première fois en 1956 par l’orchestre de Radio-France sous la direction d’Eugène Bigot. Une seconde exécution eut lieu en 1963, à nouveau dirigée par Eugène Bigot. Cette deuxième exécution a été rediffusée plusieurs fois sur France- Musique, la dernière en date dans l’émission « Avis de Recherches » en 1988.
C’est une oeuvre profondément religieuse, très mystérieuse, aux étranges couleurs orchestrales qui lui donnent un caractère byzantin. En dépit du fait que cette musique est restée tonale, elle donne néanmoins à l’auditeur l’impression d’être étonnamment nouvelle et originale.
L’oeuvre est bâtie sur des modes anciens. L’utilisation de la harpe, du célesta et du glockenspiel, associés aux deux orchestres à cordes et aux percussions, crée, à travers l’oeuvre entière, une atmosphère iréelle et mystique.
A l’occasion de la diffusion de l’oeuvre à la radio en 1963, Nadia Boulanger, dont il fut l’élève, lui écrivit:
“In spite of the storm, was able to hear your Mass, dear Edouard Michaël, and was very impressed by the emotion it transmits. The authenticity of its expression, really moving. « (« En dépit de l’orage, j’ai pu écouter votre Messe, cher Edouard Michaël, et j’ai été très impressionnée par l’émotion qu’elle transmet. L’authenticité de son expression est réellement émouvante. »)
Par ailleurs, Nadia Boulanger a rapporté au compositeur que, lors de l’attribution aux Etats-Unis du prix Lily Boulanger à son Nocturne pour flûte et orchestre, Stravinsky, qui était dans le jury, avait évoqué la Messe en déclarant que c’était l’une des messes les plus belles et les plus originales qu’il ait jamais entendu, et qu’il était extrêmement frappé par la finesse et la subtilité des couleurs orchestrales employées.
Le chef d’orchestre Eugène Bigot lui écrivait en mars 1958 : »J’ai gardé le meilleur souvenir de votre oeuvre et de vous-même… Je vous souhaite le beau succès que vous méritez et vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments bien sympathiques. »
Dans une présentation générale du compositeur et de ses oeuvres parue en 1963, la Revue Musique écrivait au sujet de la Messe:
« …. Son style, influencé par le plain-chant oriental, est coloré et de caractère mystique. L’écriture harmonique, bien que modale, n’en sonne pas moins de façon originale. »
Extrait du rapport d’écoute concernant le concert du 26 septembre 1956, chaine nationale, ORTF, donné par l’orchestre radio-symphonique de Paris sous la direction d’Eugène Bigot :
“Impression d’ensemble : Exécution soignée, vivante et expressive de deux oeuvres riches en musique et dont la juxtaposition paraît assez heureuse .Programme : 1) “Psyché” de César Franck.2) “Messe” pour choeurs et orchestre d’Edouard Michaël.
L’inscription pour la première fois au programme de l’orchestre radio-symphonique d’une oeuvre d’Edouard Michaël motivait une brève présentation. Cette oeuvre sincère et vivante se montre attachante par la fraîcheur de son inspiration et un mélange heureux d’archaïsme et de modernisme, le style en est simple, direct, original sans outrance ; l’orchestration très fine de coloris. Les choeurs sont bien traités, dans une bonne tessiture. Le Sanctus et l’Agnus Dei ne manquent ni de grandeur, ni de profondeur, ni de caractère et comportent des moments de mysticisme authentique, d’émotion communicative. L’ensemble est musical, bien venu.
Interprétation : Excellente exécution, soignée et précise, etc…”
“…Merci de m’avoir signalé la Messe d’Edouard Michaël, diffusée à l’heure du déjeuner. Je l’ai écoutée avec tant d’attention que je ne me suis pas aperçu que j’oubliais de savourer l’excellent plat que l’on m’avait servi… N’y voyez nul reproche, ni même de regret, mais la preuve que cette Messe est curieusement attachante par sa sincérité. Et l’on y sent ce que vous appelez “l’élévation d’esprit.” Merci donc.” 1956. André Cadou, compositeur et chef d’orchestre, Chef titulaire de la Musique de la Comédie Française.
« Musique et Radio » écrivait Fin 1961 :
“L’attention du monde musical a été particulièrement attirée sur Edouard Michaël depuis les deux exécutions de sa Messe à la radio française (Messe pour choeur, deux orchestres à cordes, célesta, harpe, glockenspiel et percussion). Disons tout de suite que cette oeuvre de haute inspiration ne peut pas laisser indifférent.
Et j’insiste en soulignant d’un trait rouge que cette Messe ne peut pas laisser indifférent le véritable public — ce qui est assez rare pour une oeuvre contemporaine — car en somme la musique nouvelle n’est pas faite pour plaire seulement aux critiques musicaux !
On devine chez ce compositeur une réelle puissance d’expression, une originalité assez étonnante qui situe une authentique personnalité de créateur et enfin un métier très poussé.
Mais le cas de ce musicien nous permet de constater une fois encore qu’il n’est pas besoin de faire appel à ces procédés dits d’avant-garde pour créer un langage neuf ou une façon de s’exprimer qui n’emprunte pas les formules courantes de l’écriture. Sans compter que l’emploi du dodécaphonisme par exemple enlève toute entité définie à la musique basée sur ce système et toute personnalité aux compositeurs qui croient naïvement faire de l’original !
Cet authentique créateur, Edouard Michaël, est né en Angleterre de parents orientaux et vécut dans plusieurs contrées d’Orient (dont Bagdad) jusqu’à l’âge de 19 ans. Il vint ensuite poursuivre ses études de violon et de composition à Londres. Ses professeurs furent Berthold Goldsmith, Matyas Seiber et, à Paris, Nadia Boulanger.”